Mauritanie : un air de précampagne

Le président sortant a déjà mis en branle une machine bien huilée, en choisissant son directoire de campagne au sein même du parti au pouvoir, El Insaf dont des figures de proue sont aux commandes : Sid’Ahmed Ould Mohamed, actuel ministre de l’Habitat, de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, coopté par le président Ghazouani comme directeur national de sa campagne, et Sidi Mohamed Ould Maham, directeur général du Port autonome de Nouakchott (PANPA), ancien ministre et ancien président du parti au pouvoir, désigné directeur de campagne adjoint.

 

En Mauritanie, les partisans des sept candidats à la présidentielle du 29 juin 2024 n’ont pas attendu l’ouverture de la campagne électroale, prévue le 14 juin prochain, pour aller à la rencontre des électeurs qui décideront de qui présidera aux destinées des Mauritaniens à partir d’août prochain, date retenue traditionnellement pour l’investiture du président élu

 

Le président sortant a déjà mis en branle une machine bien huilée, en choisissant son directoire de campagne au sein même du parti au pouvoir, El Insaf dont des figures de proue sont aux commandes : Sid’Ahmed Ould Mohamed, actuel ministre de l’Habitat, de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, coopté par le président Ghazouani comme directeur national de sa campagne, et Sidi Mohamed Ould Maham, directeur général du Port autonome de Nouakchott (PANPA), ancien ministre et ancien président du parti au pouvoir, désigné directeur de campagne adjoint. La campagne des femmes et des jeunes du pouvoir est confiée à Djinda Ball, ancien ministre, vice-présidente du parti El Insaf, et Ahmed Ould Yahya, le puissant et charismatique président de la Fédération mauritanienne de football sur lequel le camp présidentiel compte probablement beaucoup pour réussir en politique un succès connu – et reconnu – dans le domaine du sport à travers la participation de la Mauritanie, pour la première fois de son histoire, à un second tour de la coupe d’Afrique des nations (CAN) lors de Côte d’Ivoire 2024.

 

L’opposition ne semble pas prête pour forcer l’alternance 

 

Le rouleau compresseur du pouvoir est déjà en action au niveau des coins et recoins de la Mauritanie profonde (régions, départements, communes rurales) alors que les six autres candidats qui disputent à Ghazouani un fauteuil présidentiel gagné facilement en 2019, au premier tour, se lancent dans une précampagne qui peine à démarrer faute de moyens mais également de préparation à une présidentielle à laquelle ils prennent part grâce à des parrainages octroyés par les partis de la majorité !

 

Malgré le vent du changement qui a soufflé sur la Mauritanie venant d’un Sénégal où le candidat de la majorité présidentielle choisi par Macky Sall a été sèchement battu, au premier tour, par le champion du Pastef sorti de prison pour accomplir un tel exploit, l’opposition mauritanienne ne semble pas prête pour forcer l’alternance. Au jeu de la démocratie, même de pure forme comme l’affirme un analyste politique mauritanien exilé en France, le rapport de forces penche lourdement en faveur d’un pouvoir qui dispose de plusieurs atouts pour toujours pointer à la première place.

 

L’opposition qui présume de ses capacités de changer la donne ne parvient toujours pas à penser une stratégie de conquête du pouvoir qui place son désir ardent de forcer l’alternance pacifique avant l’égo de ses candidats. Car si l’une des forces de la majorité est cette discipline, imposée par la crainte ou l’appât du gain des formations qui la composent, qui la range derrière un seul candidat (le président sortant ou celui qui a été choisi pour lui succéder), la faiblesse de l’opposition est de toujours partir en rangs dispersés ! Le statut de «leader» de la nouvelle génération d’opposants acquis par Biram Dah Abeid, arrivé deux fois second à la présidentielle de 2014 et de 2019, n’a jamais plaidé en sa faveur pour rassembler derrière lui des candidats de l’opposition mus par des considérations politiques et idéologiques loin d’être innocentes.

 

Les islamistes de Tawassoul qui, de par le nombre de leurs députés à l’Assemblée nationale, assurent la mission de chef de file de l’opposition démocratique, bien que diminués par le départ de quelques-uns de leurs dirigeants historiques (Jamil Mansour, premier président du parti islamiste et Mohamed Ghoulam qui en était une sorte d’alter ego), veulent prouver qu’ils sont toujours la première force de l’opposition. L’Union des forces de progrès (UPF) dont le président Mohamed Ould Maouloud avait des démêlées politiques et judiciaires avec le président du mouvement anti-esclavagiste, Biram Dah Abeid, a choisi de soutenir Me El Id Mohameden qui, au sein de la communauté haratine (descendants d’anciens esclaves) est vu comme le «concurrent» direct de BDA dont le mouvement a été «saigné» par le départ de son vice-président, Diop Amadou, et le Secrétaire général, Bala Touré, élus tous deux députés, en 2023, au nom du parti (FRUD) qu’ils ont créé !

 

Mohamed Sneïba 

Afrimag