Cher Amadou Lih !
De la Mecque, où je passe ce mois béni de Ramadan, j’ai eu l’immense plaisir de lire le témoignage émouvant et magnifiquement rendu que tu as adressé à Dr Fatimata Gatta Bâ. Tes mots, empreints de vérité et de sincérité, ont su capturer l’essence même de son parcours exceptionnel et de l’héritage familial qu’elle porte avec dignité.
Cette admission brillante au prestigieux concours de Professeur d’Université est bien plus qu’un simple succès académique. C’est une victoire sur l’adversité, un honneur rendu à toute une lignée, et surtout un hommage éclatant à la mémoire de son feu père, Dr Bâ Gatta.
Car comment ne pas rappeler ici le drame et l’injustice qu’il a subis après son retour de France, nanti d’un doctorat en géologie obtenu avec mention à Orléans, grâce à une bourse accordée par la SNIM pour son troisième cycle ?
Son rêve de servir son pays dans la grande société minière nationale s’est heurté à la mesquinerie d’un système frileux devant le savoir et l’excellence. Sa compétence faisait peur, son ambition dérangeait. On lui a fermé toutes les portes, jusqu’à le pousser à l’exil intérieur et à l’usure d’une bataille administrative sans fin.
Homme fier et intègre, il a résisté, frappé à toutes les portes, écrit à toutes les autorités. Mais c’était vouloir tordre le cou d’un système qui protège ses privilèges à tout prix. Brisé dans son élan, rongé par le stress et la déception, il a fini par accepter un poste subalterne dans une société de géologie, bien loin des responsabilités auxquelles il était promis. Le combat l’a tué, lentement.
Lorsqu’il fut évacué à Dakar pour se battre contre un cancer, c’est sa propre fille, Dr Bâ Fati Gatta, alors interne à l’hôpital Le Dantec, qui veillait sur lui. Mais la maladie avait déjà fait son œuvre. Condamné, nous avons préféré le ramener à Nouakchott, où il a rendu l’âme et repose aujourd’hui au cimetière du PK 7.
Mais comme tu l’as si bien dit, son combat ne fut pas vain. Sa veuve, Bâ Mariam Hamady Soma, n’a pas baissé les bras. Femme d’exception, elle a poursuivi son œuvre en accompagnant et élevant des enfants devenus aujourd’hui des élites nationales :
• Bâ Djellaba Gatta, qui a obtenu un Doctorat en environnement et ressources naturelles, avec spécialisation en sociologie aux États-Unis, où elle enseigne aujourd’hui dans une université américaine.
• Bâ Amadou, dit Papis, qui après son Bac scientifique a poursuivi ses études à l’UCAD de Dakar, décrochant un Master en environnement informatique MIAGE.
• Bâ Oumou Teya, qui, elle aussi à Dakar, a obtenu un Master 2 en gestion financière.
• Bâ Thierno, le benjamin, qui a poursuivi ses études en France, décrochant avec brio son diplôme d’ingénieur en génie civil à Lille.
MACH’ALLAH !!
Tous ces succès sont le fruit de la ténacité de leur mère, de sa résilience, mais aussi d’une certaine manière, de l’injustice énorme subie par leur défunt père. Allah, le Miséricordieux, a voulu rétablir l’équilibre et récompenser leur famille par ces victoires éclatantes.
Je me souviens encore du jour où Dr Bâ Fati Gatta m’a invité à Dakar, lors de sa soutenance de thèse de doctorat en médecine à l’UCAD. J’ai fondu en larmes de fierté, submergé par l’émotion lorsque le président du jury, Professeur Seigne Abdou Ba, l’a couverte d’éloges, concluant avec cette phrase qui résonne encore en moi :
« Dr Bâ Fati Gatta, elle ne triche pas ! »
Ces mots, c’est tout notre héritage pulaar qui les portait, toute notre dignité denyanke qui s’exprimait ce jour-là.
Et aujourd’hui encore, les résultats sont là pour le prouver : elle a surpassé tous ses concurrents à l’écrit, battant tout le monde de loin. Mais comme toujours, l’oral, où la subjectivité peut entrer en jeu, a permis au système de la reléguer de justesse à la seconde place. Seulement un demi-point (0,5) d’écart avec le premier !
Mais qu’importe le classement, l’honneur est sauf, l’héritage est intact, la victoire est totale !
YO A JOGORO JAM, Seydi BAH PULLO !
Lors d’une rencontre à Paris, Dr Fatimata Barry, qui était alors chef de service de Dr Fati Gatta à l’hôpital de cardiologie de Nouakchott, a eu l’occasion de rencontrer des professeurs sénégalais de renom, invités à un séminaire.
Ces professeurs, admirant les qualités intellectuelles et humaines de Dr Fati Gatta, ont exprimé leur désir de solliciter auprès du président sénégalais la nationalité sénégalaise pour elle. Leur admiration allait au-delà de ses compétences en médecine, saluant également sa rigueur, sa générosité, son humilité et son sens de l’engagement.
Cependant, fidèle à ses principes, Dr Fati Gatta a poliment décliné cette proposition. Ses raisons étaient profondément patriotiques et humaines :
1. Rendre la monnaie à son pays, la Mauritanie, qui a soutenu toutes ses études depuis son enfance, des études primaires aux études universitaires. Elle ressentait un devoir moral de servir son pays et de rendre à la Mauritanie tout ce qu’elle lui avait offert.
2. La solidarité familiale et son attachement à sa maman, Bâ Mariam Hamady Soma, dont l’âge avançant, nécessitait sa présence pour l’aider à épauler ses frères et sœurs qui poursuivaient leurs études.
Ainsi, malgré l’opportunité d’obtenir une nationalité qui aurait facilité sa carrière, Dr Fati Gatta a fait le choix de l’unité familiale et du patriotisme, restant fidèle à son héritage et à son engagement envers sa famille et son pays.
Enfin, je voudrais aussi profiter de cette occasion pour adresser une pensée fraternelle à notre cousin, Bâ Abdoul Hamet, qui traverse actuellement une période difficile. Nous lui souhaitons un prompt rétablissement et prions pour que Dieu lui accorde la santé et la force.
Que Dieu le couvre de Sa Miséricorde et lui rende toute son énergie pour qu’il continue d’être un pilier pour sa famille.
Signé,
Ton oncle qui te chérit énormément et qui prie pour toi, tes frères, ta sœur et bien sûr, ton papa. Qu’il repose à FIRDAWS.
Ba Alassane Hamady Soma
Dit BALAS.