La Mauritanie a connu au cours des deux dernières décennies, une augmentation significative du nombre de banques, même si certains ne voient aucune justification à cette prolifération compte tenu de la taille relativement modeste de l'économie nationale et du faible taux d’accès de la population aux services bancaires.
On peut citer parmi les raisons qui ont incité les gouvernements successifs à accorder toutes ces licences, des facteurs fondamentaux, notamment la libéralisation du secteur, la facilitation de l'accès de la population aux banques, le rapprochement de leurs services et l'incitation du secteur non réglementé à s'intégrer au cycle économique et à accroître la production.
Cependant, au fil du temps, les résultats ont failli être quasi nuls, s’ils ne sont pas négatifs, avec notamment la liquidation de deux banques et l’état préoccupant ou n’est pas du tout satisfaisant qui caractérisaient certaines autres.
Les banques locales se sont lancées au début de 2020, dans une compétition des applications mobiles numériques. Il s'agissait d'un fait sans précédent vers le rapprochement de certains services de base de la population, même si le régulateur (la Banque Centrale de Mauritanie) n'avait pas pris les mesures nécessaires pour mettre en place le cadre juridique réglementant ces nouveaux services.
Ce phénomène a permis d'atteindre, en un temps record, certains des objectifs les plus importants du gouvernement, notamment en facilitant l'accès de la population aux services bancaires, en classant certains secteurs d'activité et en poursuivant d'autres objectifs tous aussi importants.
Quelques indicateurs bancaires et leur évolution depuis 2020 :
L'ensemble des indicateurs économiques et financiers des banques mauritaniennes a enregistré une croissance inédite au cours des quatre dernières années (2020-2024). A titre d’exemple:
- Le volume des dépôts a doublé, passant de près de MRU 72 milliards ouguiyas à la fin de 2020 à plus de MRU 144 milliards ouguiyas à la fin de 2024.
- Le volume des financements a également connu une évolution remarquable, passant d'un total de MRU 66 milliards ouguiyas environ à plus de MRU 109 milliards ouguiyas au cours de la même période.
Cependant, l’évolution spectaculaire est représentée par l'indice d'accès de la population aux services bancaires (nombre de comptes bancaires), qui a quintuplé, passant d'environ 500 000 comptes à la fin de 2020 à près de 2,5 millions à la fin de 2024, hors comptes de portefeuille électronique, qui se comptent par centaines de milliers.
Face à ce phénomène croissant, il est devenu alors nécessaire d'élaborer des politiques bancaires garantissant les droits des utilisateurs, conformes aux engagements de la Banque Centrale envers ses partenaires internationaux en matière de la conformité, de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme et adaptées aussi à la réalité actuelle.
La mise en application de certaines instructions s'est heurtée à une réalité qui reste à surmonter, malgré la volonté forte et présente.
La plupart des instructions de la BCM qui visent à réguler ce segment de digitalisation a mis l’accent en particulier sur les porte-monnaie (Wallet) sans pour autant clarifier les différences entre ces dernières et les applications de la banque digitale.
Cette ambiguïté a permis à certaines banques de la place de considérer leurs applications comme étant des banques digitales et par conséquent, elles ne sont pas soumises aux restrictions de la banque centrale visant à réglementer les Wallet; d’où la nécessité de clarifier ce sujet en mettant au clair les pré requis de chaque type et en fixant les droits et les obligations de chaque partie en la matière.
Cette croissance inédite, ne pouvait en aucun cas être atteinte s’il n’y avait pas ce phénomène de digitalisation du secteur et l’accompagnement sans précédant du régulateur (BCM), par des multiples réformes fondamentales, audacieuses et successives des politiques du secteur de manière générale, touchant la bonne gouvernance, les ratios, le marché interbancaire de change, le marché monétaire, la conformité et autres.
Mais les questions qui se posent aujourd’hui: Est ce que le régulateur parviendra à imposer et de manière ferme, l’application de toutes ses instructions relatives de ce segment , sans craindre la fuite des dépôts vers le marché parallèle et revenir sur la case de départ ? Ou existe-t-il une autre option permettant le maintien du statu quo, ne serait-ce que pour un certain temps ?
Mohamed El Moctar Ould Meïssa,
Cadre banquier