Nous sommes à une époque où, par cynisme, on se plaît à braquer les projecteurs sur les choses de l’ordre du sensationnel, du superficiel et même du frivole. Nous sommes dans un monde des paradoxes, où l’exemplarité est peu médiatisée alors que les « bouffonneries », font le buzz, soutenues et encouragées.
Cela est d’autant plus que vrai, quand on observe les productions journalistiques, populaires et orales, communicationnelles en tous genres, en milieu Soninké ; toute une déferlante de supports (sons, images et écrits) autour de la commémoration, du 25 septembre 2024, correspondant au premier anniversaire de la reconnaissance de la langue Soninké par l’UNESCO, on remarque curieusement, le black-out autour de la marraine de l’évènement au siège de l’UNESCO à Paris. Cela ne m’a pas échappé.
Soukeyna DIABIRA, mérite d’être davantage connue et le combat pour la résolution du conflit intra-soninké de cette femme d’exception mis en exergue. C’est l’exception qui nous intéresse, nous autres, la routine est une répétition soporifique. Et ce qui nous amène à parler de cette grande dame.
Cependant, je connais peu de choses sur cette Soninké exceptionnelle à tous égards. Disons, je la connais bien, mais sur un autre aspect(familial), parce que je suis très lié à la famille de son époux. Mais, cette partie relève de la vie privée et ne semble intéresser personne.
Soukeyna Boubou DIABIRA est active dans plusieurs domaines : la société civile, l’éducation, le développement etc.
C’est une femme battante et entreprenante, qui laisse des marques là où peu d’hommes osent s’y aventurer. Soutenir, que ce n’est pas pour rien, qu’elle a été choisie marraine de la cérémonie de commémoration de la langue Soninké, au siège de l’UNESCO à Paris, ce n’est pas de la complaisance. Je ne suis pas dans le secret des dieux.
Cependant, une chose est sûre, ce que ce choix est mérité et amplement mérité. En effet, Soukeyna est présidente de l’Association Sironde do kaffo (Réconciliation sociale), qui ose parler de RÉCONCILIATION entre les Soninkés, soit une manière de reconnaître qu’il existe bel et bien une crise socio-politique intra-soninké plombant la cohésion sociale et le développement de tous les « territoires Soninké » de la Mauritanie, au Mali, en Gambie, au Sénégal etc., et même dans la diaspora.
Le sujet est évité par la plupart des intellectuels, de communicateurs, des leaders d’opinions. Le sujet est devenu tabou, gênant, source de honte et crainte. Chacun a peur d’être « démoli par des insulteurs publics » payés par je ne sais qui ?
La crise intra-soninké, pour résumer en quelques mots pour « les autres », est un conflit socio-politique opposant depuis plus de six ans maintenant, partisans de la reproduction et la continuation de l’ordre social traditionnel et hérité à ceux de « la mise à mort » immédiate des aspects socio-culturels, faisant référence à leurs ascendances serviles.
La crise, personne ne peut la nier, elle est visible au point de « crever l’œil », même si elle est volontairement évitée dans les manifestations officielles Soninkés, qui ont propension à délecter d’autres sujets.
La société Soninké étant connue pour sa pudeur, veut cacher cette plaie qui est la manifestation d’une maladie honteuse. Or, elle oublie que la parole est thérapeutique, elle peut être pathogène notamment dans un usage indécent et irresponsable. Le silence, comme stratégie adoptée sur les dignitaires et leaders Soninkés est mortifère ou létal. « Au commencement était la parole ! »
Éviter d’aborder la crise inter-soninké, c’est contribuer à son exacerbation ; même s’il est vrai qu’il vaut mieux se taire lorsqu’on n’est pas porteur d’un discours de paix. La paix, c’est aussi oser dire la vérité, situer les responsabilités avec les mots justes.
En dépit de cette situation est délétère, voire irrespirable où même les hommes se méfient de s’afficher, Soukeyna s’est fait distinguer par son courage, à travers des conférences et plusieurs tentatives de résolution de la « crise Soninkara », en sillonnant différents « pays Soninké » pour rapprocher les positions. Certains ont même dit, quelle prétentieuse ! Là où les hommes ont échoué, ce n’est pas une femme qui va réussir.
Le malheur, c’est de n’avoir pas essayé. Je garde encore l’invitation que je n’ai pu honorer, qui m’a été adressée par son association, « Association Sironde do kaffo », pour assister à une manifestation, les 1, 14 et 15 décembre 2022, au Mali, au siège de Guidimakha Danka à Kayes. La rencontre, faut-il le rappeler, était audacieusement intitulée : Conférence sur la crise sociopolitique de la société Soninké.
Et dans le premier paragraphe de cette correspondance pouvait-on lire : « La conférence abordera les défis les plus importants auxquels la société Soninké est confrontée, de la crise socio-politique, les conflits internes et les provocations systématiques entre les individus jusqu’à ce que le sang soit versé et que des centaines soient déplacées de leurs maisons et de leurs villages ».
Au lendemain des crimes d’esclaves dans la région de Kayes, dans un contexte explosif, Soukeyna avait fait le déplacement pour présenter ses condoléances aux familles des victimes.
Ce parcours héroïque mérite d’être connu, et doit inspirer chacun d’entre nous. Qu’il est agréable, facile et inspirant de parler d’un titre mérité !
* Titre source : Soukeyna Boubou Diabira marraine des festivités de la journée Internationale de la langue Soninké à l’UNESCO : le courage au féminin
Seyré SIDIBE