Un pays ne se tient pas seulement par ses lois mais par ses liens. La liste des partis politiques publiée par le ministère de l’Intérieur a fait du bruit. Non tant par les noms admis ou exclus mais par ce qu’elle révèle, l’absence d’un parti ayant pour boussole la cohésion nationale. Dans une Mauritanie traversée par ses fractures et ses mémoires blessées, ce silence pèse lourd.
La Constitution trahie par l’arbitraire
Notre Loi fondamentale proclame le pluralisme comme un principe fondateur. Reconnaître un parti n’est pas une faveur concédée par l’État mais l’application d’un droit. Toute restriction doit être motivée, proportionnée, susceptible de contrôle par le juge. Faute de quoi, l’agrément se transforme en instrument de tri et l’administration en arbitre des voix admises ou bannies. Or, la cohésion n’est pas une concession, elle est au cœur du contrat social.
Quand l’administration devient juge des identités
En Mauritanie, une décision administrative dépasse toujours la technicité. Derrière un refus d’agrément, c’est une communauté qui se sent rejetée. Derrière un parti écarté, c’est une mémoire blessée qui se creuse. Les Negros Mauritaniens mais aussi les jeunesses sans parrainage lisent dans ces décisions non pas une règle de droit mais une négation d’existence. L’arbitraire blesse plus profondément que la loi.
Le soupçon comme héritage politique
En réduisant sans explication l’espace du pluralisme, on nourrit une sociologie du soupçon. L’idée s’enracine que l’État verrouille l’accès et protège les élites établies. Or un parti, même fragile, joue un rôle de soupape. L’écarter, c’est forcer les colères à s’exprimer ailleurs, parfois dans la rue, parfois dans la rupture. La cohésion n’est pas un supplément d’âme, elle est une condition de stabilité. Nos voisins rappellent que réduire le pluralisme fragilise. Au Sénégal, la dissolution de partis a alimenté la défiance et la radicalisation. Au Maroc, la régulation par des seuils électoraux a permis d’organiser la diversité sans la museler. Deux trajectoires différentes, une leçon identique, exclure fracture, organiser la diversité consolide.
Rebâtir la maison commune
La Mauritanie ressemble aujourd’hui à une maison fissurée. Chaque communauté occupe une pièce mais le toit commun menace de s’effondrer. Le fleuve, qui devrait relier, devient frontière. Le désert, qui devrait unir par l’épreuve, se dresse en mur. Reconnaître un parti, c’est reconnaître des citoyens. C’est dire que la maison appartient à tous, sans distinction. L’histoire retiendra moins les dix partis agréés que l’absence d’un seul parti dédié à la cohésion. Car ce n’est pas la pluralité des voix qui menace l’ordre public mais l’arbitraire qui les réduit au silence. La Constitution en trace la voie, l’anthropologie en souligne l’urgence et la sociologie nous alerte sur les fractures. Reconnaître toutes les composantes de la nation n’est pas un luxe, c’est la seule voie pour que la République devienne enfin une maison commune.
Mansour LY