Me El Id : faire la politique de la chaise vide a eu des effets négatifs,

Nous, hommes politiques, sommes unanimes sur le fait que la politique de la chaise vide a eu des effets négatifs, a déclaré dans un entretien, le député Maître El Id Ould Mohameden M’Bareck.

Ces effets négatifs ont été constatés tant sur la performance de l’opposition que sur la consolidation de la démocratie mauritanienne, a-t-il ajouté 

Ci-après la transcription intégrale de l’interview en hassaniya de Maître El Id Ould Mohameden, que certains ont publiée sans faire preuve du professionnalisme requis et qui a suscité une vive polémique sur les réseaux sociaux 

 

Question : Quelles sont les nouveautés sur la scène politique après une année écoulée depuis notre dernier entretien ?

Maître El Id Ould Mohameden M’Bareck : Après une année, la principale nouveauté est l’appel du Président de la République au dialogue — un appel auquel la classe politique continue de réagir , entre ceux qui acceptent d’y participer et ceux qui s’en abstiennent.

Malheureusement, la réintroduction de certaines thématiques dans le débat empêche la classe politique d’aborder les questions fondamentales liées à l’avenir du pays.

L’opinion publique s’interroge : Où est l’opposition ? Où est le discours politique profond ?

En tant qu’élite politique, nous avons la responsabilité de ramener au premier plan les grands sujets du débat national, car toutes les problématiques — qu’elles soient d’ordre historique ou liées aux pratiques des régimes successifs — doivent être traitées dans le cadre de l’État de droit, de la justice, de l’équité et de l’égalité.

C’est dans cet esprit que des solutions durables peuvent émerger.

En revanche, enfermer ces questions dans des cadres étroits pour en faire un usage politique ne fera qu’aggraver les divisions au lieu de les résoudre.

 

Question  : Le dialogue doit-il nécessairement se faire avec des garanties ?

Maître El Id: Je suis fils de l’opposition mauritanienne ; j’ai vécu ses expériences, positives comme négatives.

Nous, hommes politiques, sommes unanimes sur le fait que la politique de la chaise vide a eu des effets négatifs, tant sur la performance de l’opposition que sur la consolidation de la démocratie mauritanienne.

Ainsi, toute invitation au dialogue, si elle est empreinte de sérieux et de garanties, mérite considération.

Si le Président de la République invite la classe politique à dialoguer sur les questions essentielles concernant l’avenir du pays, et s’il garantit la participation de tous ceux qui le souhaitent, tout en s’engageant à appliquer les conclusions issues de ce dialogue, cela permettra d’atteindre les résultats espérés.

Nous ne devons pas poser de conditions préalables au dialogue, comme cela a été fait par le passé, avec des effets négatifs.

L’objectif d’un dialogue est de parvenir à des résultats concrets sur des questions fondamentales telles que :

  • la lutte contre l’esclavage et ses séquelles,
  •  le règlement du passif humanitaire,
  •  la lutte contre la corruption,
  •  la mise en place d’un système éducatif renforçant l’unité nationale et identitaire,
  •  et le respect des normes environnementales.

Si nous parvenons à un consensus sur ces points, nul n’aura plus à remettre en cause les solutions adoptées.

C’est la direction que je perçois à travers les premiers signes du dialogue national : la méthodologie employée vise à élargir la participation autant que possible, en consultant les partis politiques reconnus, les anciens candidats à la présidentielle, les organisations de la société civile et même les communautés mauritaniennes à l’étranger.

 

Question : Participez-vous au dialogue uniquement pour obtenir des acquis politiques, comme le règlement sur le principe de proportionnalité obtenue lors des dialogues précédents ?

Maître El Id: Sous le mandat du Président Ghazouani, le premier dialogue a mis trois ans à démarrer, puis s’est arrêté sans explication.

Ce qui avait été organisé après n’était pas un véritable dialogue, mais plutôt une concertation avec le ministère de l’Intérieur, de nature technique.

Le dialogue actuel, pour être efficace, doit inclure toutes les forces politiques.

 

Le processus en cours me paraît, pour l’instant, satisfaisant : nous n’avons posé aucune condition préalable.

L’opposition a présenté une feuille de route comme première étape et sollicitera ensuite une rencontre avec le Président pour s’assurer du sérieux du processus et de la mise en œuvre effective des décisions qui seront adoptées.

 

Question : Allez-vous proposer l’abrogation de la loi sur les partis politiques ?

Maître El Id : Lors de ma rencontre avec le Président de la République, il m’a confirmé que si les acteurs politiques, dans le cadre du dialogue, s’accordaient sur la nécessité de revoir la loi sur les partis politiques, il appliquerait ce qui aura été convenu. J’ai été convaincu par ses propos.

 

Dans le document de l’opposition- notre feuille de route —, nous avons effectivement proposé une révision de cette loi, car elle présente plusieurs insuffisances.

 

Question : Quel est votre avis sur le débat actuel autour de l’identité des Haratines ?

Maître El Id: En tant qu’homme politique, et afin d’éviter toute instrumentalisation, lorsque je me présente à une élection — que ce soit en tant que maire, député ou président —, je le fais sous l’étendard de la Constitution mauritanienne.

Or, la Constitution a défini l’identité de l’État et de la société comme arabo-africaine.

Il ne fait aucun doute que les Haratines s’inscrivent pleinement dans cette identité.

Aucun acteur politique ne peut inventer une identité séparée pour les Haratines.

Laissons la question de l’identité aux sociologues et aux chercheurs.

Les Haratines, aujourd’hui, ne doivent pas être distraits par de faux débats : ils veulent l’égalité, l’émancipation, l’éducation et une représentation réelle dans les institutions, à la hauteur de leur poids démographique.

Chercher à différencier Haratines et Maures blancs est une perte de temps.

D’un point de vue pragmatique et national, je privilégie ce qui nous unit.

L’histoire des Haratines comporte une douleur héritée de l’esclavage ; elle doit être reconnue, et les autres composantes du pays doivent manifester solidarité et soutien pour surmonter ces séquelles.

Ce n’est pas un conflit limité à une région : la situation des Haratines dans le Hodh El Gharbi est la même qu’au Guidimakha.

C’est un problème national dont la responsabilité incombe à l’État, non à un groupe particulier.

 

Question  : Y a-t-il eu des progrès sur la question des Haratines ?

Maître El Id : J’ai présidé, pendant deux mandats, le manifeste pour les droits politques, économiques et sociaux des Haratines.

On observe désormais, lors des marches et mobilisations, une forte présence des Maures blancs - ce qui constitue un progrès majeur.

Cela prouve que la cause a été sortie de son cadre ethnique étroit pour être replacée dans son cadre national, en tant que question de justice et de réparation historique.

La présence de toutes les composantes du pays est un acquis important.

Cependant, les gouvernements successifs ont manqué de volonté pour mettre fin définitivement à la marginalisation.

 

Question  : Certains parlent d’un système d’apartheid en Mauritanie. Qu’en pensez-vous ?

Réponse du député : Je ne m’aventure pas dans les discours absurdes.

Si je disais que la Mauritanie pratique aujourd’hui l’apartheid, je ne pourrais appartenir à aucune de ses institutions, car l’apartheid correspond à une période antérieure à l’État.

Dire qu’il y a apartheid, c’est se contredire soi-même : si je pense que mon peuple n’est pas égal devant la loi, alors je n’ai plus rien à faire dans ce pays.

En Mauritanie, le vrai problème est celui de l’esclavage et de ses séquelles.

L’État doit les reconnaître, indemniser les victimes, et assurer un suivi concret en matière d’autonomisation.

Des violations graves ont été commises au nom de l’État — notamment les événements de 1989 —, il faut les régler définitivement et tourner la page.

Il ne s’agit pas d’un cas unique : d’autres nations ont surmonté des tragédies similaires.

Enfin, la pauvreté touche aujourd’hui de nombreux Mauritaniens, pas seulement les Haratines.

 

Question: L’État a mis en place l’agence TAAZOUR pour lutter contre la pauvreté. Quel est votre avis ?

Maître El Id : Le financement de TAAZOUR par le budget de l’État, destiné aux plus pauvres et aux marginalisés, est une bonne chose.

Mais dans son application, je considère le résultat comme négatif : les approches et les ambitions ne sont pas à la hauteur.

Les politiques gouvernementales ont échoué à transformer ces ressources en projets d’infrastructures, en amélioration des conditions sociales et salariales, et en services publics de base.

Les moyens existent, mais ils ne sont pas utilisés de manière efficace.

Il faut des indicateurs de performance clairs, non seulement quantitatifs mais aussi qualitatifs, pour mesurer réellement la sortie des populations de la pauvreté.

 

Question  : Quelle est votre opinion sur la politique du ministre de l’Intérieur en matière de lutte contre l’immigration ?

 

Maître El Id : J’ai évoqué avec le Président de la République certaines violations et abus observés dans le processus, mais aussi des aspects positifs, notamment le contrôle renforcé de l’entrée des migrants irréguliers, qui constitue une mesure bienvenue.

 

-------------------------

 

J’ai réalisé la transcription intégrale de l’interview de Maître El Id Ould Mohameden, car les sites qui l’ont publiée ne l’ont pas fait avec le professionnalisme requis. Ce n’est nullement par mauvaise foi, mais simplement parce qu’il s’exprimait en hassānīyya : or, dans le passage d’une langue à une autre, une part du sens, des nuances du discours se perd inévitablement 

Mohamed Echriv Echriv