Entretien avec Abdoulaye, passeur de migrants au Sénégal

À deux heures de la frontière mauritanienne, l’ancien comptoir colonial de Saint-Louis au Sénégal est devenu depuis quelques années un point de passage pour les milliers de migrants souhaitant rejoindre l’Europe. Pour cette dernière étape de notre remontée d'une filière migratoire en Afrique, nous rencontrons Abdoulaye, passeur de migrants depuis 2006.

 

Des milliers de kilomètres parcourus depuis les Canaries et à travers le Sahara occidental de Mauritanie, et me voici désormais à Saint-Louis, au Sénégal, point de départ des migrants. Venir à la source de l’immigration me paraît incontournable. Nous avons traversé le sud de la Mauritanie en bus collectif et franchi la frontière en pirogue, dans des paysages à couper le souffle.

 

Mais désormais, il me manque une seule chose, que je n’ai encore jamais pu obtenir lors de mes nombreux reportages à Lampedusa, en Tunisie, Lesbos et dans les Balkans, sur les routes des migrants : rencontrer un passeur. Après plusieurs jours à échanger avec des habitants, nous avons pu décrocher cette exclusivité, un soir, tard autour d’un verre. Chose rare, puisque très peu de médias y parviennent, surtout à visage découvert.

 

Nous rencontrons d’abord Abdoulaye dans un café, quelque peu inquiets de la réputation que traînent ces exploitants de la misère plongés dans de véritables mafias sénégalaises. Passeur de migrants depuis 2006, fiché par les autorités espagnoles, un bonnet sur la tête, de taille robuste et sans affects, il finira par accepter cette interview, en nous témoignant hors caméra que oui, « la police touche de l’argent du passeur ». Il faut monter avec Abdoulaye et son ami dans un taxi qui nous mène au port de pêche. Nous avons prévenu nos collègues au cas où.

 

C’est ici, sur le sable d’une plage du Sénégal, d’où partent précisément des centaines de bateaux de migrants par an, que l’échange va débuter. Visualiser tous ces points de départ et être à la source est une opportunité unique. J’ai tenu à rapporter ici notre entretien pour vous laisser seuls juges.

 

Erik Tegnér : Est-ce que tu peux te présenter ?

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