Le conflit du Sahara occidental, l’un des plus anciens de la scène internationale, connaît depuis quelques mois une dynamique nouvelle. Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, avec une volonté affichée d’imposer la paix sur plusieurs fronts – Ukraine, Proche-Orient et désormais Sahara – a surpris les observateurs. Mais au-delà de l’effet d’annonce, une série de signaux diplomatiques venus de Washington, Rabat, Alger et New York dessine la possibilité d’une évolution inédite d’ici le premier trimestre 2026.
Cet activisme s’inscrit dans un contexte de lassitude internationale : trois décennies après la signature du cessez-le-feu de 1991 et l’échec répété des plans onusiens, la question sahraouie est à un tournant. Une nouvelle variable vient s’ajouter à l’équation : l’émergence du Mouvement Sahraoui pour la Paix (MSP), qui revendique une représentation alternative et propose des solutions pragmatiques susceptibles de redynamiser le processus.
Un conflit ancien, entre impasse et instrumentalisation
Depuis le retrait espagnol en 1975, le Sahara occidental est au cœur d’une rivalité stratégique entre le Maroc et le Front Polisario, soutenu par l’Algérie.
Du côté marocain, l’intégrité territoriale demeure une ligne rouge intangible, articulée autour d’un plan d’autonomie élargi sous souveraineté marocaine.
Côté Polisario, la revendication de l’indépendance s’appuie sur le principe de l’autodétermination inscrit dans le droit international.
Malgré des décennies de médiation onusienne, le blocage perdure. Le référendum d’autodétermination, pierre angulaire des premiers accords, apparaît irréalisable pour des raisons politiques, démographiques et logistiques. Résultat : une population sahraouie fragmentée entre les territoires sous contrôle marocain, les camps de réfugiés de Tindouf et une diaspora dispersée, sans horizon clair.
L’essoufflement du cadre onusien
Les Nations unies ont longtemps tenté d’imposer une médiation bilatérale limitée au Maroc et au Polisario, avec l’Algérie en arrière-plan. Mais ce schéma, en excluant d’autres sensibilités sahraouies, a progressivement perdu sa légitimité. Le Conseil de sécurité, tout en prorogeant chaque année le mandat de la MINURSO, constate l’absence d’avancées substantielles.
Cette impasse comporte deux risques majeurs :
La marginalisation définitive de la question sahraouie, éclipsée par d’autres crises régionales et la radicalisation des acteurs locaux, notamment dans les camps de réfugiés, où la frustration nourrit une vulnérabilité face aux réseaux djihadistes sahéliens.
Pour éviter l’échec, les Nations unies semblent désormais disposées à diversifier leurs interlocuteurs et à reconnaître la pluralité des voix sahraouies.
L’émergence d’une alternative : le Mouvement Sahraoui pour la Paix
Créé par d’anciens cadres sahraouis et soutenu par une base issue des camps, de la diaspora et des territoires, le MSP s’impose comme une nouvelle variable politique. Son positionnement se distingue à plusieurs niveaux :
- Un rejet du monopole de représentation du Polisario, jugé inadapté aux réalités actuelles.
- Une approche pragmatique, fondée sur la négociation et le compromis, plutôt que sur l’intransigeance idéologique.
- Une légitimité sociologique, en ce qu’il donne voix à une majorité silencieuse de Sahraouis : ceux qui souhaitent avant tout la paix, la sécurité et le développement.
Le MSP n’appelle pas à un abandon de l’identité sahraouie mais cherche à l’inscrire dans un cadre de coexistence et de prospérité régionale.
Un facteur de recomposition régionale
La question du Sahara dépasse le cadre local. Elle structure les relations entre Rabat et Alger, entravant toute tentative d’intégration maghrébine. Une sortie de crise offrirait plusieurs avantages stratégiques :
- Sécuritaires, en réduisant les zones grises propices aux trafics et aux infiltrations jihadistes.
- Économiques, en libérant le potentiel d’intégration du Maghreb, carrefour entre l’Afrique subsaharienne et l’Europe.
- Diplomatiques, en permettant à la région de peser davantage dans les équilibres géopolitiques globaux.
Dans cette perspective, l’insertion du MSP dans le processus onusien ne relève pas d’un simple ajustement, mais d’un levier de stabilisation régionale.
Le conflit du Sahara occidental, longtemps figé, pourrait connaître une évolution décisive. Plusieurs facteurs convergent :
- l’activisme renouvelé de Washington,
- la lassitude du Conseil de sécurité et l’émergence d’une alternative sahraouie crédible à travers le Mouvement Sahraoui pour la Paix.
Ce dernier propose une voie de sortie en phase avec les réalités politiques et sociales du terrain, là où le référendum apparaît comme une impasse.
Dans une région minée par l’instabilité, la reconnaissance d’une pluralité de voix sahraouies pourrait ouvrir la voie à une solution durable. Si la paix n’est pas acquise, l’opportunité d’un tournant historique est réelle. La clé réside désormais dans la capacité de la communauté internationale à écouter, au-delà des postures figées, l’expression authentique du peuple sahraoui dans toute sa diversité.
Par Hamoud Ghaillani analyste Mauritanien
Nouadhibou 03 Septembre 2025