Le déplacement de la délégation de la CGEM en Mauritanie n’a rien d’anodin, ni par son calendrier, ni par sa composition. Conduite par son président Chakib Alj , et accompagnée d’une équipe de choc dont la réussite professionnelle ne doit rien au hasard car bien souvent portée par le sens de l’effort, elle a surpris les mauritaniens qui s’attendaient plus aux salamalecs d’usage .
Ce qui semblait être un commando a trouvé un terrain balisé par un ambassadeur de haut rang (Hamid Chabbar) connu pour son sens aigu des priorités de l’état. Tout cela est vrai, et convenons donc que toute cette équipe, au-delà des intérêts personnels ou catégoriels est venue partager cette fierté de pouvoir participer au déroulement de la magistrale vision royale du désenclavement des pays du sahel.
Tout en ravivant la mémoire collective des deux pays le président Alj a rappelé le caractère têtu de la « géographie qui permet de confirmer l’histoire d’expliquer le présent mais surtout d’influencer l’avenir.
La pêche ou la crise partagée
La crise du secteur des pêches a certes ravi la vedette de l’actualité économique qui lie les deux pays qui a eux deux disposent de plus de 50% des ressources halieutiques africaines. Ils ont les mêmes stocks chevauchant d’espèces pélagiques et autres qui évoluent d’un pays à l’autre en fonction des saisons et des températures.
Ainsi, Soit dans le cadre d’opérations commerciales classiques, soit dans le cadre d’accords de pêche avec la communauté économique européenne, ils ont souvent le même marché et sont toujours confrontés aux mêmes négociateurs dont ils ont pu apprécier à leur dépens leur efficacité manœuvrière.
Ce manque de coordination entre les deux pays est du coup systématiquement exploité par leur vis-à-vis qui ont pris l’habitude d’en tirer le meilleur profit en mettant en exergue l’argument de l’exploitation commune du même stock mettant les deux pays en situation de compétition.
Cette manière de poser la problématique est certes fréquente, mais elle manque de pertinence car on ne doit pas se laisser piéger par l’affirmation simpliste selon laquelle tout ce qui est pêchée par l’une des parties cause un préjudice à l’autre partie .
En effet, dans la mesure ou les deux pays exploitent le même stock, la logique voudrait que les politiques d’aménagement puissent répondre aux mêmes critères scientifiques, pour cela un échange d’expériences ou des campagnes scientifiques communes apporterait plus de cohérence dans la gestion biologique des espèces car bien évidemment « la nature ne fait pas de politique », et les « bancs de poissons n’ont pas besoin de visa ».
Cependant, nul n’ignore que les nations qui ont bâti leur économie sur la pèche ont compris que ce n’est pas la quantité de tonnes débarquée qui est importante mais bien la valeur ajoutée qui en résulte car seule la valeur ajoutée est le véritable indicateur de la richesse des nations.
Peut-être qu’un jour à l’instar des pays développés le stock conjoint pourrait être géré par les deux gouvernements au bénéfice des deux peuples dans le cadre de quotas nationaux.
La géopolitique royale en action
Les autres volets de la coopération ne sont pas en reste, le volet agricole serait celui ou le Maroc aurait pour la Mauritanie le plus d’avantages comparatifs. Pour cela les arguments se pressent en foule : Tout d’abord une expérience incontestée, ensuite une proximité qui permettrait de garantir autant les couts logistiques que la fraicheur des produits, de plus une main d’œuvre abondante, enfin des conditions de vie similaires dans les deux pays .
Tout ceci fait du Maroc un concurrent redoutable par rapport aux autres pays voisins qui lorgnent aujourd’hui sur le futur eldorado maghrébin dont le taux de croissance, grâce aux importants gisements de gaz pourrait (selon le FMI) être multiplié par trois dès l’année prochaine.
Si les hydrocarbures ont une moindre incidence sur la richesse des populations que sur celle des Etats , on en arrive à la déduction logique que cette synergie entre les deux pays passera obligatoirement par l’agriculture qui recèle des activités qui non seulement sont complémentaires mais peuvent aussi être emboitables.
Conscient de toutes ces opportunités les deux parties ont décidé de créer une task force qui devra faire l’inventaire des actions conjointes à mener auprès de leur gouvernement respectif afin d’aboutir à des stratégies multidimensionnelles comme des mécanismes de garantie des investissements marocains en Mauritanie, des fonds d’investissements spécialisés accompagnés par nos champions nationaux, ou encore des gestions concertées pour certains secteurs comme la pêche. Enfin, l’élaboration d’une batterie de mesures ambitieuses qui ferait d’un marché commun le passage obligé pour la synergie des deux économies dans l’intérêt des deux peuples.
Effectivement, la barre peut paraitre haute, mais elle été installée par le magistral coup de chapeau de géopolitique royale : le partage des richesses entre les régions est venu corroborer la primauté de l’économie sur le politique en mettant en exergue le célèbre adage « the flags follow the Trade » dans lequel chacun apporte son expérience ou son handicap pour en faire un atout partagé.
Mohamed Zebdi, membre de la délégation CGEM à Nouakchott et ancien journaliste